Sur les pas, du paléobotaniste François Cyrille Grand’Eury

    La montagne de Bességes,                          laboratoire de l’Évolution biologique                                                 et des                            Transformations de la Civilisation.

                  Sans être natif de Bességes, le géologue et paléobotaniste François-Cyrille Grand’Eury (1839-1917) a contribué à l’essor de la cité bességeoise et de ses environs. Employé par les Houillères des Cévennes, au contact des mineurs, il va explorer et révéler la présence des couches de charbon situées entre la Grand’Combe, Robiac, Rochessadoule, Bességes et Gagniéres, en sondant les profondeurs du sous-sol, comme celui de la montagne du Ronc-Rouge, dominée par la chapelle Saint-Laurent. Sur les pas de Cyrille Grand’Eury, nous ouvrons les portes d’un laboratoire pour l’étude fondamentale et appliquée en évolution biologique des plantes et des animaux, ainsi que sur l’histoire des transformations de cette ancienne cité minière et métallurgiste. Après une époque d’abondance et de super-abondance, depuis son déclin, Bességes est en transition, en quête d’un renouveau qui s’ébauche le long de la vallée de la Céze, sur le socle géologique fondateur de la Civilisation du charbon, du fer et de l’acier.


Le géologue et paléobotaniste François Cyrille Grand-Eury1 est né à Houdreville en Meurthe-et-Moselle, le 9 mars 1839. A l’issue de ses études supérieures, il sera  nommé ingénieur civil de l’École des Mines de Saint-Étienne, sa santé défaillante l’obligea à exercer comme professeur de mathématique dans cette école. A ce poste, il s’intéressa à la géologie  et à la paléobotanique des bassins miniers de France et à l’étranger (1863-1899), après une étude du Carbonifère de la Loire, sur la flore de Saint-Étienne, il compara l’étage Stéphanien du Carbonifère aux formations similaires du bassin houiller du Gard, pour définir l’étage floristique des Cévennes afin d’améliorer la production de charbon.
Membre correspondant de l’Académie des Sciences (1885),  très affecté par la mort de son fils pendant la guerre de 1914/1918, Cyrille Grand’Eury meurt le 22 juillet 1917, sa collection déposée au Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris se compose de plus de 7000 échantillons.
 Si il n’a pas émis d’idées majeures sur les processus de l’évolution des espèces par sélection naturelle, une théorie énoncée par Charles Darwin et Alfred Russell Wallace (1859), il a constaté et décrit l’influence des changements des milieux naturels  sur la variation des plantes du Carbonifère. Son œuvre reste à poursuivre sur la montagne de Bességes et ses environs, laboratoire naturel de l’évolution biologique et des transformations de la civilisation issus des fougères noires qu’il a admirablement dessinées dans ses manuscrits. Ces couches de charbon qu’il a  reconstituées dans une coupe du Ronc-rouge seront exploitées pendant quelques décennies par les mineurs et les métallurgistes cévenols…

 


En comparant les plantes fossilisées de Saint-Étienne à celle du massif minier de l’arrière-pays gardois, il a démontré la continuité et l’abondance d’une quinzaine de couches de charbon2, disposées de bas en haut, en strates chronologiques qui reflètent l’évolution de la flore du Carbonifère. Cette expertise destinée à l’exploitation du charbon n’a pas suffisamment pris en compte les couches intermédiaires stériles qui restent à explorer pour mettre en évidence les contraintes sélectives naturelles entre deux événements de fossilisation des plantes au Carbonifère.

Sa description méthodique de la montagne de Bességes, a confirmé la présence  de gisements forts productifs qui contribuèrent au développement des Houillères cévenoles, des fonderies et des forges de Bességes, à l’origine d’une véritable civilisation du charbon, du fer et de l’acier, fondatrice de l’Europe. Un thème que j’évoque dans mes ouvrages3 sur les relations historiques des Cévennes avec la mer et mes recherches sur les processus évolutifs complexes. L’histoire de Bességes témoigne de cette fragile relation entre l’exploitation des ressources naturelles jusqu’à leur épuisement et le développement socio-économique, source de progrès de l’Humanité, qui altère l’environnement et détruit la biodiversité. Ce rapport adaptatif rendu hors équilibre instable par nos agissements les plus délétères est une véritable problématique pour les générations futures, car il conditionne l’évolution des espéces dans les  prochains siècles, y compris celle d’Homo sapiens...

                                                     

François Cyrlle Grand’Eury

                                                       François Cyrlle Grand’Eury
                                  ( photo École Nationale Supérieure des Mines de Paris)

Au delà de l’intérêt historique de ce prestigieux passé industriel qui nous interpelle, Cyrille Grand’Eury a ouvert un véritable laboratoire de l’évolution, qui de Bessèges, en suivant la vallée de la Céze, couvrent plusieurs ères géologiques, du Dévonien jusqu’au Carbonifère, sur lequel se superposent le Trias et le Lias, aux influences  marines,  en direction de Robiac-Rochessadoule.

Coupe géologique de la Montagne Saint-Laurent


Coupe géologique de la Montagne Saint-Laurent avec ses strates des plantes fossilisées, d’après une planche dessinée de « Géologie et Paléontologie du bassin houiller du Gard » de Cyrille Grand'Eury qui révèle la superposition de trois ères géologiques, Carbonifère, Trias et Lias d'un grand intérêt paléontologique pour reconstituer l’évolution des plantes et des insectes, des mollusques, des poissons et des amphibiens, ainsi que l’histoire socio-économique des mines, fonderies,  forges  et  usines des tubes  de Bességes.

 Patiemment, Cyrille Grand’Eury a méthodiquement reconstitué, classifié et admirablement dessiné ces plantes fossilisées, décrites dans son manuscrit « Géologie et Paléontologie du bassin houiller du Gard » (1890). Ces strates superposées nous permettent de reconstituer l’évolution des Crytogames vasculaires, les Fougères noires fossilisées, comme la série très présente, des Pécoptéridés4.
Ce document, les recherches plus récentes des géologues du BRGM5 et leurs modèles en trois dimensions, nous servent de référence pour simuler l’évolution de ces plantes afin de mettre en valeur, ce patrimoine mondial, qui se rattache à d’autres formations géologiques et espèces de même nature que nous avons observées à travers le monde. Telles les fougères arborescentes des dernières forêts primaires de Madagascar qui abritent les Lémuriens, auxquels je consacre le dernier tome6 de ma suite naturaliste.
Ces sites miniers ont été explorés par une autre personnalité locale, à qui je tenais à rendre hommage, Monsieur Stephan Adam (1929-2010), était un ancien mineur de fond de Rochessadoule, autodidacte, il est devenu un géologue passionné, un ethnologue et un historien expérimenté sur le patrimoine local, reconnu et consulté par des scientifiques. Au cours d’une de ses expositions, il m’avait présenté son admirable collection d’ammonites collectée sur la bordure Vivarais-Cévenole, ces espèces marines qui connurent plusieurs extinctions successives, sont un cas d’étude pour l’océanographie. Notamment pour reconstituer les fluctuations climatiques et géologiques associées aux transgressions et régressions marines, les variations de forme de ces Céphalopodes avaient attiré mon attention au début mes recherches sur les processus  complexes en évolution biologique.

À cette époque, j’élaborai la définition de l’adaptativitè, en m’inspirant du paléontologue américain Georges Gaylord Simpson qui, dans « Rythmes et modalités de l’évolution » (Albin Michel, 1950), avait judicieusement intégré la sélection naturelle dans ses schémas évolutifs des ammonites.

  Collection Stephan Adam, photographie Jacky Brignier.

                                   Collection Stephan Adam, photographie Jacky Brignier.

Cyrille Grand’Eury et Stephan Adam, nous laissent un fabuleux héritage scientifique, je ne puis qu’encourager les jeunes chercheurs de diverses disciplines scientifiques à poursuivre
 les recherches sur la montagne de Bességes pour mieux comprendre
« Les basses énergies biologiques »
à l’œuvre au cœur des cellules des végétaux et des animaux qui évoluèrent
vers Bességes et ses environs.

Cette brève conclusion, trouve une résonance dans des évènements qui touchent aux cohérences vitales de l’espèce humaine et aux cohésions sociales, les fondations de notre civilisation. Sur fond de réchauffement climatique, la crise sanitaire et socio-économique qui met en danger l’Humanité est causée par un virus microscopique, le Sars-Cov 2, qui parvient à pénétrer et à se multiplier insidieusement dans nos cellules pour mieux se propager.
 Dans l’urgence, nous suggérons d’accentuer la recherche scientifique pluri-disciplinaire, localement au plus prés des préoccupations des habitants, et globalement par des missions d’explorations de longue durée sur les mers, les océans et les continents.
                                               


                                                                                 Claude  ROUQUETTE
                                                                         Historien de Marine et naturaliste