La Céze, biodiversité et espèces invasives

Claude Rouquette
Claude Rouquette • 22 juillet 2021
dans le groupe La Cèze

En remontant la rivière Céze et ses affluents pour observer les castors (Castor fiber), consécutivement à l’étude de la région Occitanie relative à l’inventaire et à la conservation des habitats naturels et de certaines espèces liés aux milieux aquatiques sur le bassin versant de la Céze, le naturaliste Claude Rouquette a réalisé des explorations de la haute vallée de la Céze et de ses affluents (Ganiére, Luech, Homol). Cette expertise au long cours de la faune et de la flore lui a permis de concevoir des modèles exhaustifs afin d’estimer par des simulations la probabilité d’évolution des castors périodiquement isolés lors des périodes de sécheresses estivales. Parmi les espèces animales et végétales identifiées, certaines sont qualifiées de nuisibles, leur rapide prolifération tend à perturber la biodiversité de l’arrière-pays gardois, au détriment des groupements végétaux et des populations animales plus ou moins endémiques. L’abondance inquiétante de mollusque bivalve, le trop célèbre frelon asiatique Vespa velutina, la désastreuse Pyrale du buis Cydalima perspectalis et la prolifique Renouée du Japon Reynoutria japonica, sont des cas d’études appliquées d’écologie évolutive pour tenter de maîtriser leur dispersion invasive.

 

Cependant, l’intervention sur les milieux naturels fortement anthropisés est un processus complexe assez imprévisible qui s’inscrit dans l’espace biogéographique planétaire et dans le temps long de l’évolution des espèces intimement associés aux transformations de la civilisation, à la modernité galopante qui favorise le transport, l’implantation et la diffusion rapide de ces espèces. La transition écologique qui s’impose pour tenter d’atténuer les effets du réchauffement climatique est l’occasion d’évaluer l’impact de ces espèces invasives par des recherches globales et locales en mesurant, ce que le naturaliste a nommé « L’adaptativitè » d’une espèce, cet opérateur normalisé de sa dynamique évolutive permet d’évaluer son degré d’évolution contingente lors de sa spéciation, sa radiation et son extinction, en assimilant les données d’observations dans des modelés opérationnels.

 

Dans le cas de la Renouée du Japon qui se répand le long de la Céze, vers Bességes et ses environs, des recherches scientifiques pluridisciplinaires sont nécessaires, il est presque impossible d’éradiquer la plante, par contre une recherche approfondie permettrait de limiter sa dispersion en utilisant ses propriétés à bon escient comme plante, fourragère, alimentaire et médicinale, pour le captage du gaz carbonique, biomasse exploitable en énergie renouvelable… par une inclusion écologique évaluée à long terme dans son biotope localisé le long des cours d’eau. Sur la Céze et ses affluents, la ripisylve forme un couvert végétal exceptionnel pour de nombreuses espèces de mollusques, poissons, amphibiens, oiseaux, mammifères, cette biodiversité varie pour chaque espèce, sous l’effet de mutations fondamentalement aléatoires dans leur rapport au hasard des contraintes sélectives naturelles fortement corrélées à celles générées par nos activités socio-économiques mondialisées qui facilitent l’introduction et la propagation des espèces que nous qualifions de nuisibles.

L’Histoire de la montagne de Bességes et de ses plantes fossilisées en charbon de terre exploitées par les industries minières et métallurgiques a donné une remarquable civilisation du charbon, du fer et de l’acier, les recherches sur l’évolution des fougères et les conséquences de l’usage du charbon sont très utiles pour comprendre les processus évolutifs complexes qui lie la nature à l’espèce Humaine, de façon singulière.

Une recherche globale et - très localisée – est recommandée pour trouver de nouvelles voies de développement afin de concilier les progrès socio-économiques sans altérer les écosystèmes en équilibre très instable, comme le soulignait le regretté biologiste et anthropologue Georges Guille-Escuret dans « Les sociétés et leurs natures » (Armand Colin, 1989).

« Une organisation sociale - ne s’adapte pas - à une transformation brutale de son milieu, il faut étudier finement l’écosystème de la société qui l’imprègne », ce qui m’a conduit à étudier la culture des peuples premiers du Canada dans leurs relations à Castor canadensis, comparativement à celles plus discrète que nous entretenons avec les castors dans les Cévennes.

Le retour à la nature prôné par une écologie détournée est une utopie inconciliable avec un fait social irréductible, ce décalage humain (Guille-Escuret, Kimé, 1994) est garant de la civilisation, qui dépend de la cohésion sociale mise à mal par un minuscule virus et ses cruels variants. Face à ces risques majeurs, ne devons-nous pas renforcer impérativement la recherche en évolution biologique et transformations de la civilisation par une coopération inégalée afin de consolider notre capacité à agir raisonnablement en réglant savamment notre adaptativitè pour préserver la biodiversité ?

 

 

Claude ROUQUETTE

Historien de marine et naturaliste

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